Mais qui es tu donc toi dis donc ?
Dreck : Bonjour Frank, peux tu te présenter un peu ? Frank : Frank, musicien et bassiste.
Dreck : Depuis combien de temps joues-tu de la basse ? Es-tu professionnel depuis longtemps ? Frank : J'ai débuté en 1980 et je vis réellement de la musique depuis 1989 environ.
Dreck : Comment as-tu commencé la basse ? As-tu pris des cours ? Frank : Mes premiers cours particuliers m'ont été donnés par Jean-Pierre Poly, bassiste et ami de mon beau-père de l'époque, Luigi Bellini, guitariste.
Après que Jean-Pierre m'ait inculqué les bases de l'instrument et ait essayé de m'initier au solfège
(vainement pour ce dernier point), je me suis débrouillé tout seul. J'écoutais beaucoup, énormément de musiques très variées, des Beatles au hard-rock, de la salsa au reggae, du jazz-rock aux musiques afro et caraïbes, de la chanson française à l'internationale...je reprenais toutes les lignes de basse à l'oreille.
J'aurais souhaité intégrer une école à l'époque mais il n'y avait guère que le CIM à Paris qui proposait un enseignement de qualité. Seulement elle était extrêmement chère !
J'ai tout de même persévéré dans ma quête de cours avec un ou deux profs dont l'un deux, Rosaire Riccobono, m'a montré beaucoup de choses nouvelles et éclairé encore un peu plus sur mon instrument. Ce fut ma dernière expérience de cours particuliers.
Dreck : Peux tu nous donner quelques étapes de ton parcours musical ? Frank : Beaucoup de groupes et de chanteurs de tous poils depuis 1985 environ. Mais pour les grandes
lignes :
En 1986, je co-fonde mon premier groupe de jazz-rock, Viscomica, avec Norbert Lucarain (actuel batteur et vibraphoniste de General Elektric).
En 1987, je rencontre Debora Seffer, violoniste de jazz et fille du musicien Yoschk'o Seffer.
J'intègre sa formation Otol avec Eric Séva au sax, Leandro Aconcha au piano et David Pouradier-Duteil à la batterie et enregistrerai son deuxième album «Blueson Rouge» plus tard, en 1994 avec Laurent Robin à la batterie et Thierry Maillard au piano.
En 1993, je co-fonde mon premier groupe de funk Ashran M Le Groove avec Stéphane Waltzer et mes acolytes de toujours Juhan Ecare et Philippe Blin.
Ce furent mes véritables premiers pas dans la composition.
En 1995, premier tour d'Europe avec les Last Poets (avec Jalal Mansour Nurridin et Sulieman El
Hadi).
La même année, période raï avec Fadela et Saraoui puis le chanteur kabyle Ferhat.
En 1998, rencontre du rasta ivoirien Tiken Jah Fakoly. Je quitte le groupe en 2001 après une grosse tournée à travers le pays.
En 2002, création du Trio Neb (Nelson-Ecare-Blin), formation instrumentale (basse-guitare-flûte) et toujours en place 10 ans plus tard.
A partir de 2005 mon itinéraire s'inscrit aux couleurs de la Côte d'Ivoire. Multiples collaborations avec les artistes Abou Smith, Coro Ouatt, Hass Keïta, Cesar Anot, Magic System, Les Frères de la Rue, la diva Aïcha Kone...et le projet Afrorok.
J'aimerais faire plus court mais c'est important que je cite toutes ces personnes qui m'ont tant apporté et aujourd'hui encore !
En 2008, je rencontre le chanteur Elie Guillou pour lequel je viens tout juste de terminer l'enregistrement de son premier album «Paris-Brest».
En 2009, Niko Coyez, super flûtiste et musicien réunionnais, me propose de renter dans sa formation maloya-funk-jazz, le Ninjazz Crew, et d'enregistrer son premier album «Fonker».
Puis, la même année, la star ivoirienne Meiway me propose, lui aussi, de jouer la basse au sein du Zo Gang International, le nom du groupe qui l'accompagne depuis plus de vingt ans. Depuis, de nombreux concerts à travers le monde, participation à son dernier album «M20», enregistrement du dvd «Live à l'Elysée-Montmartre» et le fameux concert du Stade de France. De bien bons moments
!
Enfin, depuis 2010, rencontre avec Haïti (enfin !), le pays de mon papa, avec le chanteur BelO et surtout Erol Josué, avec lequel je continue de collaborer.
Voilà, désolé pour la longueur mais tu comprends, je suis un papi désormais, j'en ai fait des choses en 25
ans !
Dreck : Quel genre de musique joues tu en ce moment ? Avec quelle(s) formation(s) ? Frank : Beaucoup de musique africaine, comme depuis 15 ans environ maintenant. Afrorok (live à Presles le 4 février prochain), fondé par Jean-Paul Melindji (grand batteur rencontré à l'époque de Tiken), Meiway, toujours régulièrement, Afsana, chanteuse métisse
(live à Paris le 3 février prochain).
Mais pas seulement. Sissy Akoma, une pure artiste qui développe son style afro-soul. Profonde voix, très touchante !
Enfin, Crin de Folie, un trio vocalo-guitaristico-bassistique. On reprend de vieux standards du répertoire de la chanson française à la sauce Crin de Folie (Noomiz)...et on s'marre bien !!!
Dreck : Le 11 Juin 2011 tu as joué au stade de France avec Meiway devant 40000 personnes lors de la Nuit Africaine, peux tu nous dire ce que cela fait ? Frank : En vérité, beaucoup de bien !
Pas tant à cause des 40000 personnes mais c'est cette communion qui règne dans le stade...c'est assez incroyable ! Cet été, à Montréal, devant les 15000 personnes réunies pour le voir, l'ambiance était incroyable. Il a été célébré comme jamais, selon lui.
Au delà de ça, je suis tout autant ému lorsque je joue dans des lieux plus confinés. Le dernier
concert d'Afrorok, notamment, au Satellit Café m'a procuré de fortes émotions également.
Dreck : Du coup, où va ta préférence : grandes scènes internationales ou petits clubs intimistes ? Frank : Du coup, il est difficile pour moi de définir une préférence entre petites et grandes scènes tant les émotions qu'elles procurent toutes les deux sont intenses mais il est certain que je privilégie les ambiances où la proximité avec le public favorise l'échange, c'est plus chaud quoi...!
Dreck : Sur quelle basse joues-tu ? Est ce que tu en as eu beaucoup d'autres avant ? Frank : Je joue sur une basse 4 cordes Luthman et collabore avec Thierry Etienne (le luthier) depuis 2008.
Il m'a fait l'honneur de me faire un modèle Frank Nelson Signature, à partir du modèle HighSpeed, ce qui ne me rend pas peu fier...!
Auparavant et pendant 14 ans, je jouais sur le modèle La Luna du luthier Fred Pons, des ateliers Kopo. C'est un ami. On s'est rencontré en 1994, à Rennes, lors d'un concert avec Debora Seffer. Il s'était déplacé pour lui proposer un modèle de capteur pour son violon.
Christian Noguera a également été l'un de mes amis-luthiers. J'ai joué pendant quelque temps sur le modèle Fair-Play.
Pour résumer, je n'ai jamais fantasmé sur le matos. Dès lors qu'un instrument me convient, il me comble en tous points. C'est la raison pour laquelle je ne possède que peu d'instruments, hormis les trois cités. Niko Chelly, un autre vrai copain bassiste, m'a offert une basse fretless 5 cordes, totalement customisée (par David Custom Shop) et qui sonne comme nulle autre ! Quel cadeau !!!
Dreck : Quels sont tes projets pour 2012 ? J'ai entendu dire que tu allais sortir une nouvelle version de ta méthode "La basse Funk". Qu'en est-il exactement ? Frank : Multiples projets, en vérité !
Quelques concerts avec «mes» artistes, Afrorok, Afsana et aussi Gérard Delahaye, un chanteur breton reconnu (et papa d'Elie Guillou, cité plus haut), pour lequel j'ai participé à l'enregistrement
de son dernier album pour les enfants «Voilà les Pirates».
Une résidence dans le sud de la France le mois prochain avec Erol Josué, chanteur-chorégraphe et prêtre vaudou.
Et en pédagogie, mes stages réguliers sur le slap, une master-class le mois prochain sur l'approche de la notion de groove avec Niko Coyez, un séminaire sur la basse, en Ardêche, vers le mois d'avril avec Chris Léna, mon stage d'été annuel, toujours en Ardêche, sur la basse funk, avec Yann Gallic.
Et mon atelier de basse !...
Pour les méthodes, j'ai, en effet, rafraîchi «La Basse Funk» dans la collection 3D. Elle sortira vraisemblablement courant mars 2012. Pas mal de démos en plus et tous les exercices enregistrés et filmés !...le petit plus de cette collection chez Play-Music.
Moi, j'aime pas les profs, ça a trop de vacances ... Dreck : Pourquoi as tu choisi d'enseigner la basse ? Frank : Ben bêtement parce qu'elle est mon instrument !
Dreck : Gloups, ma faute , je voulais dire : "Pourquoi as-tu choisi l'enseignement ?" Frank : En fait, je réponds un peu à la question plus bas, regarde.
Dreck : Donnes tu des cours depuis longtemps ? Frank : Je donne des cours depuis 1987 environ.
Dreck : Très souvent les gens qui veulent prendre des cours ne savent pas quelles sont les "qualités" à attendre d'un bon professeur de basse, qu'elles sont-elles à ton avis ? Frank : Alors là, je suis assez intransigeant sur la question.
Si l'on donne des cours pour arrondir ses fins de mois, ce que je conçois, mais que l'investissement du prof reste relatif et qu'il compte les minutes en laissant l'élève s'engluer dans des notions théoriques dont il ne perçoit l'intérêt que de loin, faut pas faire ! Il faut aimer transmettre et c'est un vieux poncif que de dire qu'il faut avant tout aimer les gens pour cela.
En tant qu'autodidacte, je sais quels déclics j'ai eu pour le solfège et la théorie et je sais quelle est la passion qui m'anime pour la pédagogie dorénavant. Mon parcours n'a, somme toute, rien de conventionnel. J'ai un peu fait les choses à l'envers et pourtant il me semble que le travail de l'oreille prévaut sur celui de l'analyse.
J'aime être à l'écoute de l'élève et, très vite, je sais situer ses failles et donc les choses à lui faire travailler. Mais également insister sur ses qualités innées.
J'aime aussi lui faire appliquer des notions théoriques de façon instantanée, dans un contexte de jeu réel (patterns de batterie et mini-arrangements). Ils sont en situation et éprouvent, en général, beaucoup de plaisir à se sentir bassiste très vite.
Voilà, je ne parle que de ma vérité du terrain, on est tous tellement différent.
Dreck : Du coup, est ce qu'un bon bassiste sera forcément un bon prof (et inversement) ? Frank : Du coup non !
Un bon bassiste restera un bon bassiste et un bon prof un bon prof. Mais quand une personne réussit à réunir ces deux qualités, c'est qu'il met autant de coeur dans les deux !
L'éditeur Bruno Desgranges m'a permis de développer ma propre pédagogie au travers de mes méthodes et ça, c'est cadeau !!!
Dreck : Au niveau des tarifs d'une heure de cours combien faut il compter en moyenne ? Frank : Ah ça, chacun fait comme il veut. En ce qui me concerne, 25 euros de l'heure me semble être le compromis qui convienne à tout le monde. Le principal étant, d'une part, que l'élève ait l'impression que le temps passe trop vite et, d'autre part, je ne souhaite pas l'assommer avec des tarifs outranciers.
Dreck : A ton avis, quand on apprend la basse quelle est la place de la technique, de la théorie dans un cours ? Frank : La première notion sert à mettre en application la seconde.
Dreck : Si l'on prend le cas d'un élève débutant et travailleur un minimum, qui prend en moyenne une heure de cours par semaine, quel "niveau" peut il espérer attendre à la fin de sa première année (qu'aura-t-il appris globalement ?) Frank : Difficile de répondre à cette question. Tout dépend de lui. Et oui, faudrait tout de même pas croire
que, sous prétexte que l'on a fait la démarche de choisir un prof, l'affaire est dans le sac ! Pas si simple. Nous sommes toujours les premiers responsables des choses qui nous arrivent. Alors en bossant un peu tous les jours, même une demi-heure mais tous les jours, on peut espérer progresser très vite.
Dreck : Tu as écris plusieurs méthodes reconnues et utilisées par de nombreux bassistes, qu'est ce qui en fait leurs succès ? Frank : Peut-être justement le fait qu'ils jouent dans des contextes de jeu réel assez rapidement et que l'érection des chapitres se fait de façon très progressive. Je ne sais pas. Faudrait plutôt leur demander.
Dreck : Aurais tu un conseil à donner à tous ceux qui débutent la basse ? Frank : Oui. Qu'ils se persuadent qu'ils sont capables de le faire.
Dreck : A quoi es-tu attentif chez un bassiste ? Qu'est ce qui te semble le plus important ? Frank : L'écoute, le placement, le soutien et le bon goût (choix des notes).
Le sens mélodique, indissociable, à mon sens, de toutes les autres qualités d'assise et de rectitude dont le bassiste, toujours selon moi, doit se doter.
Pour finir, une bonne dose d'humour ! Le rire dédramatise , à tous coups, un mauvais placement ou bien une bête fausse note. Mais là n'est pas le plus important. Le plaisir reste le seul et unique objectif à atteindre.
Dreck : le mot de la fin ? Frank : Des bises à tous et une belle année 2012 !!!
Voilà, vous pouvez retrouver Frank sur son facebook , ainsi que Luthman .