Question toute bête et simple. Pourtant les réponses sont rares tout simplement car les auteurs ayant écrit des histoires de la basse électrique sont américains et que les américains la France ils s'en tapent un peu. Heureusement pour vous, il y a aussi un historien français de la basse électrique, et il a eu la bonne idée de se poser la question.
Tout commence avec Monk Montgomery
Oui, c'est grâce à un contrebassiste de jazz né dans l'Indiana dans les années 1920 que la basse électrique est arrivée en France, et j'irai même plus loin c'est grâce à lui que la basse électrique de Fender est devenu un succès commercial international. Il est en quelque sorte le premier artiste "endorsé" par Fender à l'époque. Expliquons rapidement la situation de la marque à l'époque. Leo Fender était un visionnaire et il était convaincu que pour vendre ses instruments, les musiciens étaient ses meilleurs ambassadeurs. Il envoya donc son ami George Fullerton sillonner les routes des États-Unis pour présenter la
Precision Bass dans les différents clubs de jazz. Un des premiers musiciens à mordre à l'hameçon était Lionel Hampton célèbre vibraphoniste de jazz et chef d'orchestre très connu à l'époque. Il imposa à son nouveau bassiste Monk Montgomery l'instrument de Fender. L'histoire était en marche. Notons que Lionel Hampton était un expérimentateur puisqu'il a aussi été le premier musicien à enregistrer avec une contrebassiste électrique au tout début des années 40.
Voici un titre de Monk Montgomery enregistré en 1971 :
http://www.youtube.com/watch?v=Yc4d1YYOzOM&... À l'assaut de l'hexagone
Il est compliqué de dater l'arrivé de la basse électrique dans l'orchestre d'Hampton, pourtant il semblerait que ce fut au début de l'année 1952. Voici un article de Leonard Feather qui parlait de l'orchestre d'Hampton en juillet 1952 :
"Tout à coup, nous avons remarqué qu'il avait quelque chose d'anormal dans le groupe. Il n'y avait pas de bassiste. Et pourtant, nous entendions une basse. Au second coup d’œil, nous avons aperçu qu'il y avait quelque chose d'encore plus bizarre. Il y avait deux guitares, mais nous n'entendions qu'une seule. À ce moment-là, tout devint plus clair. Assis à côté du guitariste, il y avait quelqu'un qui tenait ce qui ressemblait à première vue à une guitare, mais une inspection plus minutieuse révélait qu'il tenait un corps profilé de façon étrange avec un long manche fretté, des contrôleurs électriques, et un câble le reliant à un haut-parleur. "Bien sûr, mec" dit Hamp fiévreusement quand nous lui posions la question un peu plus tard "c'est notre basse électrique. On l'a depuis des mois".
En 1953, l'orchestre de Lionel Hampton fit une grande tournée en Europe, et notamment à Paris. Ce concert fut remarqué puisque le magazine "Melody Maker" en parla et le public fut bluffé par l'instrument de Montgomery : "Il produisait des sons très inspirés sur une basse électrique amplifiée qui ressemblait à une grande guitare".
Ladislas Czabanyik
Alors, je pense que personne ici ne connait ce bon monsieur. En fait, il s'agit du contrebassiste/bassiste de l'orchestre de Jacques Hélian. Quoi ? Vous ne connaissez pas l'orchestre de Jacques Hélian ? Bon, ben voilà un petit morceau de 1953 pour que vous puissiez vous rendre compte du style.
http://www.youtube.com/watch?v=3CVTgaBMzLw Voilà, c'est pas très très rock'n'roll. Alors que fait ce monsieur dans l'apparition de la basse électrique en France ? Ben la réponse est simple, il est le premier bassiste électrique français, et bon vu que l'on trouvait pas de
Precision Bass dans toutes les bonnes crémeries il a fabriqué lui même sa basse.
Si vous cherchez bien vous tomberez sur un article de Jazz Hot de mars 1954 qui présente Czabanyik comme l'inventeur de la basse électrique. De nombreuses confusions existaient à l'époque, car slappyto n'existait pas encore et que voilà c'est compliqué d'avoir des informations sur la basse électrique.
Dans mes recherches, j'ai eu du mal à recouper les informations, mais j'ai pu discuter avec deux musiciens ayant connu Czabnyik dans l'orchestre de Jacques Hélian. Je peux donc affirmer avec certitude que Czabanyik a tout d'abord amplifié sa contrebasse en 1952 avant de construire sa basse électrique, et la seconde chose c'est malgré ce qu'affirme l'article de Jazz Hot, Czabanyik n'a jamais vendu d'autres basses électriques. C'était un musicien débordé et il n'aurait jamais eu le temps de construire d'autres basses, ce qui ne l'empêcha pas de conseiller d'autres bricoleurs dans leur création.
Conclusion
Voilà comment la basse électrique est arrivé en France. Amené par le biais d'un orchestre de jazz, il marqua les musiciens de l'époque qui furent obligé de bricoler leur propre basse en raison de la distribution défaillante en Europe. Par exemple, Höfner n'a construit sa première basse électrique qu'en 1955. Le début de la basse électrique en France était donc poussif. Seuls quelques bassistes bricoleurs venant de Paris avaient un instrument qui ressemblait plus ou moins à la basse électrique de Fender. Il est par contre beaucoup plus compliqué de savoir quand la première basse Fender a été vendu en France, mais je sais que certains historiens travaillent actuellement sur les magasins d'instruments de musique parisiens dans les années 1950. Ces investigations apporteront peut être des réponses à ces questions.