1-La lo-fi c’est quoi ?
Par définition, la Lo-fi (low fidelity) s'oppose à la Hi-fi (High fidelity). Elle désigne un style musical, sous-genre du rock, apparu à la fin des années 80/début des années 90, dans lequel les musiciens emploient du matériel ancien, désuet, avec des groupes tels que Pavement, Guided By Voices, Sebadoh... L'émergence de ce style correspond donc à une réaction face à l'évolution constante des technologies de production musicale : depuis l'invention du phonographe par Thomas Edison en 1877, les technologies de l'enregistrement ont énormément évolué (forcément...). Le musicien Lo-fi est contre l'utilisation d'un matériel trop sophistiqué.
Musicalement, la Lo-fi présente certaines caractéristiques :
− Un son sale (souffle, saturation, coupures...) et compact (impression d'enregistrement en mono)
− Des morceaux de courte durée (et par conséquent des albums dépassant la quinzaine de chansons)
Ex : Alien Lanes de Guided By Voices (1995) = 28 morceaux, 40 minutes
De manière générale, on peut dire que la musique Lo-fi est brute, directe.
Exemple en musique : Guided By Voices – Over the Neptune (dans l'album Proppeler)
Ce goût de la simplicité se manifeste au travers de plusieurs éléments : l'organisation du travail et le rapport aux objets.
2-Un mode d’organisation différent
La Lo-fi cherche à réduire un maximum les "chaines de coopération" : c'est à dire faire soi-même le plus d'étapes possibles dans la production d'un disque, faire intervenir le moins d'intermédiaires possibles dans son élaboration. Dans de nombreux cas, le groupe va se passer d'un ingénieur du son (pour l'enregistrement et le mixage), s'occuper de la création graphique, allant même jusqu'à prendre en charge la création des supports et la distribution. L'exemple des néo-zélandais de Tall Dwarfs est assez représentatif : une grande partie des enregistrements du groupe ont été réalisés à la maison, auto-produits et distribués via le label Flying Nun Records. On retrouve la même organisation du côté du label/collectif américain Elephant Six Record Company (Olivia Tremor Control, Neutral Milk Hotel, Apples in Stereo...). Cette réduction des chaines de coopération rappelle d'une certaine manière le do it yourself punk.
3-Utilisation d'un matériel peu compliqué
La Lo-fi cherche également à réduire un maximum les intermédiaires techniques, utiliser un matériel le plus simple possible, peu coûteux et accessible de suite. Les groupes Lo-fi se dispensent de la configuration habituelle d'un studio d'enregistrement : on préfère utiliser un minimum d'appareils. Dans de nombreux cas les musiciens enregistrent en home-studio.
Dans bien des cas le matériel utilisé est analogique (enregistreur multipiste à bandes puis à cassette, de type "portastudio" notamment) mais peut également très bien être numérique. Les magnétophones numériques étant de plus en plus simple d'utilisation et nomades, l'enregistrement devient un jeu d'enfant.
4-Un rapport particulier aux instruments de musique
Les musiciens du courant Lo-fi montrent une certaine décomplexion par rapport à la pratique instrumentale (ils n'ont d'ailleurs pas peur du multi-instrumentisme). Tout comme dans le mouvement punk, ceux-ci ne possèdent nécessairement pas de formation musicale et le font ressentir dans leurs compositions. Les structures musicales sont généralement simples et sans grande technicité (pas ou peu de solos et/ou de changements rythmiques...) et même parfois aléatoires, bancales.
vidéo 1 :
http://www.youtube.com/watch?v=KCT-TKYl8hE extrait de l'album Sewn To The Sky de Smog, sorti en 1990
Les musiciens sont également décomplexés par rapport à l'instrument lui-même et n'hésitent pas à en "fabriquer" : utilisation d'instruments-jouets pour enfants, bidouilles en tous genres. La culture du bricolage est extrêmement présente.
vidéo 2 :
http://www.youtube.com/watch?v=CH8qsRZ4-kI dans cette vidéo, on peut voir Chris Knox, du groupe Tall Dwarfs, improviser une percussion avec une boite en plastique
5-Conclusion
Bien souvent (et à tord) réduit à ses caractéristiques sonores, le courant musical Lo- fi est intéressant de par son questionnement d'un certain nombre de notions liées à la création musicale. Dans un environnement aujourd'hui surchargé de technologies, la Lo-fi s'est étendue à d'autres esthétiques musicales (notamment les musiques électroniques) et a ouvert la porte, au sein des musiques populaires, à des pratiques (assimilées au courant lui-même), toutes aussi intéressantes les unes que les autres, à l'intérêt pédagogique et ludique indéniable (utilisation d'instruments-jouets, circuit-bending...).
6-Discographie sélective et indispensable
The Clean, Modern Rock, Flying Nun Records, 1995
Daniel Johnston, Artistic Vice, Shimmy Disc, 1991
Guided By Voices, Alien Lanes, Matador Records, 1995
The Microphones, The Glow Pt. 2, K Records, 2001
Mount Eerie, No Flashlight, P.W Elverum & Sun, 2005
Neutral Milk Hotel, In the Aeroplane Over the Sea, Merge Records, 1998
The Olivia Tremor Control, Black Foliage: Animation Music Vol. 1, Flydaddy Records, 1999
Pavement, Slanted & Enchanted, Matador Records, 1992
Peter Jefferies, Last Great Challenge in a Dull World, Xpressway, 1989
Sebadoh, The Freed Man, Homestead, 1989
Smog, Sewn to the Sky, Disaster, 1990
Tall Dwarfs, Forks Songs, Flying Nun Records, 1991
Riton