« Hadopi, et après ? » peut-on lire un peu partout depuis quelques jours. Il reste à assister à la mise en place de cette usine à gaz , et peut-être voir, enfin, se lancer une réflexion de fond. Pour les autres projets du gouvernement relatifs à Internet, prendre la route du ministère de l’Intérieur, direction Loppsi 2. Ou « loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ».
Bien que maintes fois annoncée, et même prévue dans la loi de finances pour 2008 , la Loppsi 2 est sans cesse repoussée. En février dernier, Michèle Alliot-Marie, la ministre de l’Intérieur assurait que le projet serait « présenté au Parlement avant l’été » . Loppsi 2 d’ici fin juin ? « On a encore le temps, nous indique un collaborateur de l’Assemblée. Si c’est adopté en conseil des ministres avant l’été, ce sera déjà bien ». Le programme de l’Assemblée Nationale est bouclé jusqu’aux vacances. Puis, à la rentrée, il y aura le Grenelle 2, le vote du budget, etc. Bilan : « ce texte ne devrait pas être examiné en 2009 ».
La Loppsi 2 se veut donc la suite de la Lopsi (pareil mais sans la « performance »). Déposée par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et adoptée en juillet 2002 par le Parlement, elle vise à modifier les moyens juridiques et sécuritaires afin de renforcer la lutte contre la délinquance et de la criminalité. La nouvelle loi doit privilégier « le redéploiement de moyens existants et le renforcement de la police technique et scientifique », comme le soulignait le Président de la République en juillet 2007. Parmi les actions, on trouve pêle-mêle : « conforter la réduction du nombres d’accidents [de voiture] », « renforcer la lutte contre le terrorisme » et « combattre l’immigration clandestine ». Et aussi, lutter contre la cybercriminalité. Par exemple, sanctionner d’avantage l’usurpation d’identité, autoriser la captation de données numériques à distance ou faire filtrer les contenus à caractère pédo-pornographique par les fournisseurs d’accès à internet.
C’est donc le retour des contenus à caractère pédo-pornographique présentés comme épouvantails et prétextes à tout (et n’importe quoi). Par exemple à la mise en place d’un système de blocage des contenus par les FAI. Sur ce point, la ministre affirmait en février avoir l’accord des opérateurs et hébergeurs « pour bloquer les sites pédopornographiques dès lors que nous les leur signalons. » « Rien n’a été signé », nous assurait-on du côté de l’AFA (Association des fournisseurs d’accès) et de la FFT (Fédération Française des Télécoms).
Sur son blog, Jean-Michel Planche , président de Witbe, donne des précisions. Citant « l’un des commanditaires qui signe par délégation pour le Ministre (de l’Intérieur, de l’Outre Mer et des collectivités territoriales) », il rapporte que l’article 6 de la Loppsi prévoit un dispositif pour « imposer aux fournisseurs d’accès à Internet l’obligation d’empêcher sans délai l’accès aux contenus illicites dont les adresses électroniques sont désignées par arrêté du ministre de l’intérieur sous peine d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. » Au-delà de la remise en cause de la LCEN (loi pour la confiance dans l’économie numérique), pour l’un des dinosaures du web français, « il s’agit ni plus ni moins de l’enterrement en première classe de la notion de Neutralité d’Internet » . Et celui qui, en octobre dernier, lançait la version française de Internet for Everyone de lancer : « nous entrons dans la phase II du conflit et cela se durcit. Le soldat Internet est plus que jamais attaqué de tous les côtés et il faut le sauver. »
Hier, lors d’un tchat sur le site du Monde , un internaute lui demandait : « Doit-on s’inquiéter de la tournure des événements concernant le futur d’Internet (...) puisque les moyens de contournement d’Hadopi (VPN, SSL, etc.) pourront être considérés comme des moyens “terroristes” pouvant faire l’objet de poursuites ? » Et Jean-Michel Planche de répondre : « Oui, mille fois oui. Après s’être occupé des ordinateurs, on va s’occuper des infrastructures et fondamentalement modifier la structure même de l’Internet. (...) Et le pire, c’est que cela ne règlera strictement rien. Au mieux, on aura réussi à fragiliser une infrastructure qui a été faite pour résister à un conflit nucléaire. »
Avec le projet de loi Création et Internet, le gouvernement a mis un pied dans la porte sur des questions aussi essentielles que le filtrage, la surveillance, et la neutralité du net. Aucun argumentaire ni démonstration technique n’ont réussi à arrêter la machine à vouloir contrôler, surveiller, réguler. On se souvient par exemple du « Je vous en supplie, madame la ministre, ne faites pas cela ! (...) Vous êtes en train de faire quelque chose de très grave ! » adressé par Jean Dionis du Séjour à Christine Albanel lors des débats à l’Assemblée Nationale.
Après l’apéritif, le plat principal. On attend donc de voir ce que mijote Michèle Alliot-Marie qui, pour rappel, est arrivée en tête dans la catégorie « Orwell Ensemble de son Œuvre » lors des derniers Big Brother Awards . « On est dans un système où on ne sait pas qui veut contrôler quoi, mais on ressent une menace. Par exemple, que font les gens comme CISCO et d’autres à installer chez les opérateurs et les FAI des logiciels permettant d’analyser les paquets [unités d’information ndlr] qui circulent sur les réseaux ? On est déjà dans l’analyse des paquets et dans le filtrage », nous indiquait récemment Jean-Bernard Magescas , ancien président de FON France. Et de lancer : « Alerte rouge, Hadopi n’est que le début ! »
On en reparle bientôt...