1. Oct 04
Mosquito

Tracklist

  • 1. Plantation Lullabies 1:31
  • 2. I'm Diggin' You (Like An Old Soul Record) 4:25
  • 3. If That's Your Boyfriend (He Wasn't Last Night) 4:32
  • 4. Shoot'n Up And Gett'n High 4:14
  • 5. Dred Loc 4:04
  • 6. Untitled 1:42
  • 7. Step Into The Projects 3:55
  • 8. Soul On Ice 5:08
  • 9. Call Me 4:46
  • 10. Outside Your Door 5:08
  • 11. Picture Show 4:39
  • 12. Sweet Love 4:55
  • 13. Two Lonely Hearts (On The Subway) 4:17

Me'Shell NdegéOcello

Plantation Lullabies

Plantation Lullabies est le premier coup d'éclat de Me'Shell NdegéOcello, devenue depuis une des figures majeures du «rap alternatif» ricain et égérie de la nu-soul. Malgré le fait que cet album a été produit par Maverick, la société de Madonna, ce premier opus de la bassiste-vocaliste n'a absolument rien à voir avec la pop fadasse ou la musique commerciale. Entre beats très hip-hop, basse alternant slap funky et grooves soul, arrangements hésitant entre jazz et r'n'b princier, solo de saxophones et de clavier typiquement jazz, chants doucement susurrés et rap aux lyrics agressifs, Plantation Lullabies est difficile à définir ou à enfermer dans un genre particulier. Seule constante: un groove omniprésent et la sophistication des compositions à tout les niveaux (structures, arrangements, solos). Rappelons que Me'Shell, suivant l'exemple d'un de ses maîtres, c'est à dire Prince, compose pratiquement tout; sur les maquettes et certains morceaux, elle joue en plus de la basse, les parties de guitares, de claviers et programme les «drum machine».

D'un tempérament plutôt énervé, sensible et provocateur, Me'Shell nous berce avec une superbe voix soul sensuelle ou nous agresse carrément avec ses rap acides dénonçant pelle mêle le racisme, l'homo phobie, la drogue, la société américaine... Cette «schizophrénie» ou diversité, c'est au choix, se retrouve dans son jeu de basse (vu que c'est ce qui nous intéresse ici) : gros slap efficace sur If That Your Boyfriend, groove jazz-funk au doigts sur I'm Diggin' You, ligne soul toute en finesse ( probablement joué fretless ) sur Dreadlocks, groove énorme sur Call Me, entre soul, rap et r'n'b. Elle n'hésite pas à superposer fréquemment plusieurs pistes de basses, la plupart du temps en ajoutant du slap par dessus le groove du morceau ( sur le pont et le solo de guitare de If That Your Boyfriend par exemple ), utilise avec parcimonie et finesse les effets (écouter la sorte d'envelopp filter très doux et très rond qu'elle met pendant le solo de clavier de Step Into Project). Friande des ruptures de tons inattendus, les morceaux ont des structures très changeantes, les ambiances nu-soul «posées» sont soudain rompues par l'irruption d'un funk virulent; la complexité et la densité des passages instrumentaux est contrebalancé par les nombreux passages oú seule la basse et la batterie accompagnent sa voix. Cependant, à l'inverse de la plupart des gros monstres de techniques jazzeux, Me'Shell n'oublie pas qu'elle est musicienne avant tout, et ne cherche pas à placer la basse en avant partout, comme le montre la ballade Outside My Door, oû elle est plutôt minimaliste. Me'Shell met la virtuosité de côté (et pourtant ses lignes sont loin d'être simples) pour privilégier le groove et la sensibilité.

Je ne détaillerai pas tous les morceaux, mais chaque piste contient un plan sympa, surprenant, intéressant; cet album est pour moi une véritable source d'inspiration groovy. Le son de sa basse est excellent: très rond et très chaud aux doigts (qui peut rappeler par moment le jeu fretless d'un Pastorius chez Joni Mitchell), en slap on pourrait la rapprocher d'un Marcus Miller, avec qui elle a bossé plusieurs fois (si ça c'est pas un signe de reconnaissance bassistique !); on la retrouve sur Tales de MM, et sur leur excellent duo Rush Over, B.O d'un film inconnu au bataillon. Quant à Marcus il vient jouer de la fretless sur Cookie - The Antropological Mixtape, le sixième opus de Me'Shell. Ajoutons qu'elle a joué aussi avec Herbie Hancock sur Noctural Sunshine, la grande classe quoi. Elle a failli collaborer avec son idole de jeunesse, Prince, mais leurs deux caractères intransigeants et quelques peu égocentriques se sont vite révélés incompatibles après moult prises de tête sur les sessions de travail de Emancipation (1998) sur lequel elle ne figure finalement pas. On parle en général peu des «bassistes femmes» (ben oui c'est dur de mettre le mot bassiste au féminin...) et c'est dommage car en général, cette féminité apporte une certaine sensibilité et finesse qui manque à beaucoup de virtuoses mâles de la quatre cordes (ça fait gros cliché, mais dans certains cas c'est plutôt vrai).

Au delà de ça, Me'Shell par son refus de la musique commerciale, son ouverture d'esprit (elle écoute de tout, de Sly Stone au métal, et avait posé sa candidature pour jouer dans Living Colour à la fin des années '80 alors qu'elle était une bassiste de studio plutôt soul), son jeu exigeant et ses compositions raffinées méritent l'intérêt de tous les amateurs des musiques jazz-groove... et des autres aussi tant qu'à faire.

Mosquito

Pour en savoir plus sur Me'Shell, un très bon article du Webzine We Go Funk:
http://www.wegofunk.com/articles/meshell.htm